Lutte contre le travail illégal – Décrets d’application des lois SAVARY et MACRON

DAS - n° 010 - 13 janvier 2016

Rappel des textes

Les lois Savary du 10 juillet 2014[1] et Macron du 6 août 2015[2] ont durci les sanctions relatives au travail illégal[3]. Dans le cadre de la lutte contre le travail illégal, deux nouvelles sanctions sont désormais applicables.

A ce titre, la loi Savary a en effet prévu la création d'une « liste noire » regroupant des entreprises ayant été condamnées pour travail illégal, dont les modalités d’application sont précisées par un décret du 21 octobre 2015 [4].

Un décret du 3 décembre 2015 [5], pris en application de la loi Macron, détaille quant à lui les modalités de la suspension temporaire, décidée par l’administration en cas de prestation de services internationale illégale.

1)    Publication d’une « liste noire » des entreprises condamnées pour travail illégal

Lorsqu'une personne physique ou morale est condamnée à une amende pour travail illégal, le juge peut ordonner la diffusion de cette condamnation, pour une durée maximale de 2 ans, sur un site internet dédié et géré par le Ministère du travail.

Cette rubrique du site internet du Ministère du travail est consultable librement et gratuitement par toute personne. Cette « liste noire » est donc totalement publique.

Parmi les informations mises en ligne sur ce site internet figurent : l'identité de la personne physique ou morale, le numéro d'identification, l'adresse professionnelle ou du siège social, l'activité principale exercée, la nature de l'infraction, la date et le dispositif de la décision, la date de mise en ligne, la durée et la date de fin de la diffusion, les références de la juridiction, l'indication d'un éventuel recours.

Cette publication a pour objet de dissuader les entreprises d’avoir recours au travail illégal.

2)    Suspension temporaire de la prestation de services internationale illégale

Lorsqu’un agent de contrôle de l’inspection du travail constate un manquement grave[6] commis par un employeur établi hors de France qui détache des salariés sur le territoire national, il enjoint à l’employeur de faire cesser la situation et en informe, dans les plus brefs délais, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre.

A compter de la réception de cette injonction, l’employeur dispose de 3 jours pour se mettre en règle. Ce délai peut être réduit à un jour en cas de circonstances exceptionnelles.

A défaut de régularisation de la situation par l’employeur, l’agent de contrôle transmet à la Direccte[7] un rapport relatif au manquement qu’il a constaté.

Avant de se prononcer sur une suspension temporaire de la prestation de services, la Direccte invite le représentant de l’employeur à présenter ses observations dans un délai de 3 jours. Ce délai peut être réduit à un jour en cas de circonstances exceptionnelles.

A l’expiration de ce délai et au vu des observations éventuelles de l’intéressé, l’administration du travail peut, eu égard à la répétition ou à la gravité des faits constatés, notifier à l’employeur une décision motivée de suspension temporaire. Cette décision indique la durée de la suspension, qui ne peut excéder un mois, ainsi que les voies et délais de recours. Cette suspension ne doit entraîner aucun préjudice pour les salariés, qui continueront à percevoir leur rémunération.

Le non-respect de cette mesure de suspension est passible d’une amende d’au plus 10 000 €  par salarié concerné par le manquement.

Ce n’est qu’au vu de justificatifs fournis par le représentant de l’employeur attestant de la régularisation de la situation que la Direccte met fin à la mesure de suspension temporaire.

Rappel 

Obligation du donneur d’ordre en cas de manquement aux droits fondamentaux du salarié [8]

Le donneur d’ordre a une obligation d’injonction lorsqu’il est informé par écrit, par un agent de contrôle d’un manquement du sous-traitant aux règles impératives de droit du travail.

Dans cette situation, le donneur d’ordre doit aussitôt, dans un délai de 24h, enjoindre par LRAR à son sous-traitant de faire cesser la situation et de la régulariser en l’informant qu’il dispose d’un délai de 15 jours pour répondre à cette injonction et préciser les mesures prises.

En cas de réponse de son sous-traitant, le donneur d’ordre transmet immédiatement celle-ci à l’agent de contrôle. A défaut de réponse à l’expiration des 15 jours, le donneur d’ordre en informe l’agent de contrôle, dans les 2 jours qui suivent.

A défaut de procéder à ces obligations d’injonction ou d’information, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre encourt une sanction pénale de 1 500 €. 

3)    Augmentation du montant du redressement forfaitaire en cas de travail dissimulé à compter du 1er janvier 2016

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016[9] apporte deux correctifs au dispositif de redressement forfaitaire de l’employeur en cas de constat de travail dissimulé, lorsque la situation réelle ne peut pas être reconstituée.

-     Le calcul du montant du redressement forfaitaire

A compter du 1er janvier 2016, le calcul du montant du redressement est évalué à 25% du plafond annuel de la Sécurité sociale et non plus à 6 fois le Smic.

Celui-ci est donc de 9 654 € (25% de 38 616 €, le plafond annuel de la sécurité sociale) au lieu de 8 799,72 € (6 fois le Smic mensuel, égal à 1 466,62 € au 1er janvier 2016) selon les dispositions jusqu’alors en vigueur.

-     La preuve contraire à rapporter par l’employeur

Afin que le redressement s’opère « au réel », la preuve contraire rapportée par l’employeur doit désormais porter à la fois sur la durée réelle de l’emploi et sur le niveau réel de salaire.

[1] Loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale.
[2] Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.
[3] Info DAS n°104 du 5 octobre 2015 - Le droit du travail après les lois Macron et Rebsamen.
[4] Décret n°2015-1327 du 21 octobre 2015, JORF n°0246 du 23 octobre 2015.
[5] Décret n°2015-1579 du 3 décembre 2015, JORF n°0281 du 4 décembre 2015.
[6] Principalement le non-respect du salaire minimum, des repos obligatoires ou de la durée maximum de travail, des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine.
[7] Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.
[8] Info DAS n°067 du 29 mai 2015 - Intervention d’entreprises étrangères en France.
[9] Loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.